Les Afro-Argentins : Une Communauté Disparue
Lorsqu’on évoque la traite négrière ou l’esclavage, on pense souvent aux populations afro-descendantes ayant survécu à cette période tragique. Parmi ces afro-descendants, les Antillais ou les Caribéens, comme les Brésiliens ou les Guyanais, viennent souvent à l'esprit. Cependant, il est important de noter que d'autres peuples noirs, issus des esclaves de la traite négrière, ont également évolué dans divers pays d'Amérique du Sud, notamment en Argentine.
Bien que cela puisse paraître surprenant en raison du manque d'information sur le sujet, pendant la traite négrière, les esclaves en Argentine provenaient principalement de l'Angola, de la République Démocratique du Congo et de la République du Congo. Les Afro-Argentins sont donc les descendants de ces esclaves. Cette réalité étonnante est souvent méconnue, car nous parlons peu de cette communauté presque disparue à ce jour. Pourtant, certains vestiges témoignent du passage d’Africains en Argentine.
Le tango, un vestige de l’héritage afro-argentin
Dans le commun des mortels, le tango est une danse connue pour être l’invention des Européens, évidemment ceci n’est pas exact. En réalité, le tango était pratiqué dans des maisons de tango (casa de tango) » où les Africains avaient l’habitude de se réunir pour chanter ou réaliser des rites religieux. Le tango est donc une danse purement africaine importée par des Africains en Argentine. À l’origine cette musique était accompagnée d’instruments tels que le tambour, instrument d’origine africaine, mais a subi une modification au fil du temps, avec l’arrivée de nouveaux instruments tels que la flûte ou le piano, attirant alors un public caucasien. En dehors de la musique, les pas de danse du tango ont également été modifiés, effaçant donc petit à petit toutes traces africaines. À la suite de ces modifications, les blancs argentins se sont approprié cette musique faisant aujourd’hui la musique traditionnelle du pays.
Les Afro-Argentins, une communauté inconnue dans son propre pays
Les noirs d’Argentine sont souvent confrontés à une question posée par la population caucasienne d’Argentine, à savoir, d’où viennent-ils ?
Il n’est pas rare que ces Afro-descendants soient amenés à répondre sur la question de leurs origines, laissant penser qu’ils ne sont évidemment pas du pays. Le plus souvent, ils sont pris pour des Brésiliens ou des Colombiens, mais absolument pas pour des Argentins et pour cause, il y a quelques années de cela, les noirs argentins ne représentaient que 1/3 de la population tandis qu’ils ne représentent aujourd’hui que 4% de la population argentine.
Leur histoire et leur présence ont volontairement été effacées de la culture argentine. À l’école les enfants ne connaissent pas forcément la vraie histoire des premiers peuples argentins qui étaient d’abord des Indiens qui ont été asservis puis remplacés par des Africains plus résistants aux travaux forcés ; des Africains venus tout droit de l’Afrique subsaharienne par l’intermédiaire des Espagnols, des Portugais ou encore des Italiens.
Comment et pourquoi les Afro-Argentins ont littéralement disparu du pays ?
Hormis les différentes guerres, dont la guerre du Paraguay qui a duré 5 ans, deux éléments majeurs ont été la cause de l’extinction des peuples noirs en Argentine.
Premièrement, c’est par un « remplacement massif » des populations noires par une population blanche venue tout droit de l’Europe que les Afro-Argentins ont été effacés du paysage au fur et à mesure. Il était question de résoudre les problèmes de pauvreté en y amenant des personnes dites riches telles que les Européens pour qu’elles prennent la place des « non désirés ».
D’autre part, cette volonté assumée par le pouvoir et l'élite du pays, d’éclaircir la population d’Argentine est passée par le métissage. En popularisant le mariage mixte dans les années 1850, cela a permis d’éclaircir la population donnant naissance à des métisses qui à leur tour n’avaient pas d’autre choix que de se mélanger aux blancs. En d’autres termes, la teinte noire devait absolument disparaître pour laisser place à des teintes plus claires.
Enfin, durant les périodes postcoloniales, en 1871, il y eut une épidémie de fièvre jaune en Argentine qui toucha sévèrement les personnes noires. N’ayant pas accès aux soins médicaux à cause de leur couleur de peau, ils leur étaient impossibles de se soigner. Beaucoup sont donc morts de cette épidémie.
Aujourd’hui quelle est la situation ?
Aujourd’hui les Afro-Argentins sont encore soumis à des discriminations que ce soit dans le sport, la politique ou tout simplement dans le monde du travail. L’accès à certains emplois prestigieux leur est refusé. Pour leurs attributs physiques, la couleur, la nature de leurs cheveux, les afro-argentins s’octroie régulièrement le rejet. Même les enfants afro-argentins ont honte d’être noirs et refusent d’être appelés “noir” pour se faire accepter par la société. Rares sont ceux qui poursuivent leurs études, la majorité des Afro-Argentins sont conditionnés à effectuer des métiers de domestiques ou peu reconnus de la société. Majoritairement marginalisée et subissant un racisme constant, cette communauté se bat chaque jour pour revendiquer leur droit et rappelle qu’ils font intégralement partie de la société argentine. Dans cette quête de reconnaissance, le « Jour de l’Afro-Argentin et de la culture afro », célébré chaque 17 avril, a été instauré. Cependant, la communauté aspire aujourd'hui à aller au-delà des symboles en proposant des solutions concrètes, en intégrant les enjeux politiques, judiciaires et éducatifs dans le débat public, tout en s'appuyant sur leur histoire.
L’objectif est d'assurer l’égalité des droits pour la communauté afro-argentine. Les Afro-Argentins souhaitent assumer fièrement leurs origines africaines et leur histoire, et obtenir une reconnaissance pleine et entière au sein de la société argentine.