Les Kongos arrivés aux Antilles après l'abolition de l'esclavage
Nous sommes au XIXe siècle après l'abolition de l'esclavage, aux Antilles. À la suite de la libération des esclaves, les champs de cannes à sucre et autres plantations se vident de ses ouvriers autrefois asservis. Les nouveaux affranchis se séparent de leurs maîtres et tentent de reconstruire leur vie après des siècles de souffrance.
Mais les békés, anciens esclavagistes, se retrouvent quasiment sans main-d'œuvre et par conséquent en difficulté pour assurer le rendement sur leurs plantations. Il faut donc trouver une solution, arrivent alors sur les îles de la Guadeloupe et de Martinique les Indiens qui remplaceront les anciens esclaves dans les champs, mais tout ce monde n'est pas suffisant, il faut encore recruter de la main-d'œuvre et c'est dans ce contexte que les Kongos débarquent aux Antilles.
Les Kongos, originaires du Congo qui autrefois regroupait l'Angola, le Congo Brazzaville, le Congo Kinshasa, le Gabon ainsi que la République Centre Africaine, sont des africains partis depuis les côtes ouest-africaines pour de nouveaux horizons, les îles de la Caraïbe, particulièrement la Guadeloupe.
Contrairement à leurs ascendants, ces derniers, environ 6000 Congolais dans un premier temps, ont librement fait le choix de venir travailler et remplacer les anciens esclaves dans les champs. Néanmoins, une fois arrivés dans les colonies françaises, on ne peut pas vraiment dire qu'ils étaient très attendus par la population antillaise, déjà mélangée et forgée par une nouvelle identité.
En effet, après des siècles de vie bâtie loin du continent africain, les esclaves affranchis ont dû couper les liens qui les unissaient alors à leur véritable origine.
Créole, le terme faisant allusion au métissage, aux îles lointaines de la Caraïbe, aux personnes nées sur les plantations, a constitué leur nouvelle culture, mentalité ou façon de vivre. Il était alors difficile pour eux, mais aussi dénigrant de s'identifier à ces Kongos.
Les Kongo, venus d'Afrique, ne parlaient pas la même langue que leurs parents afro-caribéens puisque ceux-ci ont appris le français et ont créé leur propre langue, ce pidgin, appelé créole. Communiquer avec leurs confrères était alors un défi et une étape à franchir pour mieux s'intégrer.
Étrangement, les Kongos étaient rejeté par les Antillais. Mais quelles étaient les raisons de ce rejet surtout par des descendants d’esclaves ?
Dans un très beau documentaire écrit et réalisé par Laura Chatenay-Rivauday : “ Origine Kongo” l’histoire méconnue des engagés africains aux Antilles, plusieurs descendants de Kongo, raconte leurs souffrances, leurs questionnements, et surtout leur fierté d’être Kongo. On y voit également une Guadeloupéenne nommée Marie-France Massembo, descendante d’Anatole Massembo, qui explique comment une tradition s’est perpétuée au fil des décennies à travers “ le Grap a Kongo”.
Revenons sur la question de rejet. Pourquoi les Kongos étaient rejetés par la société créole ?
Pour comprendre ce rejet, il faut se rappeler que les Kongos arrivent sur des terres (Martinique Guadeloupe) dont le régime esclavagiste vient d’être aboli. Certaines pratiques coloniales sont encore présentes et ils n’étaient pas prêts tout comme les esclaves arrivés sur les îles. De plus, ils sont marginalisés par une société d’anciens esclaves métissée et créolisée. Cette créolisation brutale de la société antillaise crée de nouvelles mœurs, des coutumes, mais aussi un nouveau regard sur le passé, même si certaines traditions sont perpétuées. On notera un souvenir gravé et perpétuellement raconté par les anciens que leurs ancêtres sont la cause de leurs malheurs puisque dit-on, ces derniers ont été vendus aux blancs par leurs propres familles africaines. Tout cela a naturellement suscité une certaine rancœur, de l'amertume et parfois même du mépris envers les Kongos. À cela s’ajoute une concurrence économique entre antillais, Kongos et Indiens qui arrivent durant la même période pour du travail.
Aujourd'hui, le processus d'unification et de connexion entre les Antillais et les Africains progresse à travers divers projets politiques, économiques, culturels et artistiques. On constate une volonté croissante de la communauté afro-descendante des Antilles de redécouvrir leur histoire à travers une perspective panafricaniste, éloignée des récits néocolonialistes.
De plus en plus, les Antillais cherchent à renouer avec leurs origines africaines, revisitant leur passé pour mieux comprendre leur héritage. Ce mouvement reflète un désir profond de se réapproprier leur histoire et de renforcer leur identité culturelle.
DOCUMENTAIRE. "Origine Kongo" : l'histoire méconnue des engagés africains aux Antilles. Écrit et réalisé par Laura Chatenay-Rivauday :