La Pisciculture à Kinshasa : Une Filière émergente au Cœur des Enjeux locaux
Marché de Baramoto, Commune de Limité - Kinshasa
Dans la capitale dynamique de Kinshasa, deux pisciculteurs se sont engagés dans une aventure entrepreneuriale unique : celle de nourrir leur communauté tout en spécifiquement la dépendance aux poissons importés. Dans le cadre d'un reportage pour Karib Afrik, nous avons rencontré Assy Olom Dieu-Merci et Emmanuel Dioko, qui, malgré les défis de l'environnement urbain, travaillent pour offrir une solution locale aux enjeux alimentaires et économiques de la ville.
Assy Olom Dieu-Merci : Une Vision de la Pisciculture inspirée par la Famille
Assy Olom Dieu-Merci
Assy Olom Dieu-Merci, passionné par l'élevage, a installé son exploitation dans le quartier Mazamba, à Mont Ngafula. Né dans une famille d'éleveurs de porcs, Dieu-Merci a ressenti, après des études en télécommunication, l'appel de la pisciculture, une voie pour laquelle il s'est formé pour se lancer : « Dès l'enfance, j'ai appris l'importance de l'élevage. » Il explique que sa démarche l'a poussé à aller au-delà des connaissances traditionnelles pour étudier les techniques propres à l'élevage des poissons, un domaine exigeant, mais qui selon lui mérite qu'on « juge bon de s'y lancer. »
Les premiers n'ont pas été remplis d'obstacles, surtout en ce qui concerne le financement et le matériel, défis auxquels il a dû faire face avec détermination. « J'ai affronté plusieurs obstacles, notamment le manque de moyens financiers et les contraintes matérielles. » Il souligne que l'engagement dans la pisciculture nécessite une résilience constante, mais il est certain que les efforts en valent la peine.
Emmanuel Dioko : Approvisionneur en Poisson local à Kinshasa
Emmanuel Dioko
Emmanuel Dioko, est installé dans le quartier Mibu, commune de la N'sele. Son entrée dans la pisciculture est née de l'observation de la consommation locale de poisson : « J'avais observé la consommation répétitive des poissons dans les ménages de Kinshasa. » Il a alors pris la décision d'investir dans cette filière, voyant dans l'élevage piscicole un moyen de fournir à ses concitoyens des poissons frais, tout en participant à la dynamique économique locale.
Comme Dieu-Merci, Emmanuel a fait face à des difficultés, parfois exacerbées par des résistances communautaires : « La mauvaise éducation et la mentalité de certains habitants du quartier ont été des défis au départ. » Cependant, il a persévéré, trouver des solutions pour que son projet voie le jour, et démontrer ainsi que la pisciculture peut être une opportunité viable pour les entrepreneurs ambitieux de Kinshasa.
Pratiques et Défis de la Pisciculture en Milieu urbains
La pisciculture exige une rigueur quotidienne dans les processus et les soins. Dieu-Merci décrit les étapes principales de son travail, qui vont du contrôle du pH du sol au suivi de la qualité de l'eau et à l'organisation de l'alimentation des poissons. Il a opté pour deux espèces : le Clarias et le Tilapia, des choix qui répondent aux besoins du marché local et aux exigences du climat de Kinshasa. Emmanuel, de son côté, se distingue par une production diversifiée avec des espèces locales comme le Tilapia nilotica, le Mungusu et le Mayanga, qui répondent bien aux goûts de sa clientèle.
Malgré cette diversité, les défis sont omniprésents. Dieu-Merci évoque le coût élevé de l'alimentation, tandis qu'Emmanuel est confronté à un problème plus fondamental : l'accès à de l'eau propre pour ses poissons, ce qui peut parfois nuire à sa production. « Le manque d'eau propre nous oblige à utiliser des sources non traitées, ce qui cause des pertes », confie-t-il.
Un Impact positif sur la Communauté Kinois
Au-delà de l'économie, la pisciculture de Kinshasa contribue directement à l'approvisionnement de la population. Dieu-Merci note avec fierté que sa production aide à réduire la consommation des poissons importés, souvent plus chers. Emmanuel, pour sa part, considère son travail comme un moyen de limiter les risques sanitaires associés aux importations, précisant : « La pisciculture locale permet de réduire la dépendance à l’importation des chinchards, qui peut causer divers problèmes de santé. »
Les deux pisciculteurs partagent leur savoir-faire en formant les jeunes du quartier et d'autres communautés. Dieu-Merci raconte : « Je dispense des formations ici et dans d'autres pièces de la ville. » Emmanuel collabore également avec de jeunes pisciculteurs, créant ainsi un réseau qui renforce le tissu économique local.
Pratiques écologiques et Vision pour l'Avenir
La pisciculture en milieu urbain implique également une responsabilité envers l'environnement. Ils veillent à minimiser l'impact de leurs activités sur la nature. Dieu-Merci vend tous ses déchets plutôt que de les jeter, entraînant ainsi de polluer le sol et l'air, tandis qu'Emmanuel recycle ses résidus pour en faire du compost. « Nous recyclons nos déchets pour les réutiliser sous d'autres formes, afin de ne pas polluer la nature », explique Emmanuel.
Quant à l'avenir, les deux pisciculteurs sont ambitieux. Dieu-Merci rêve de créer une « méga usine piscicole » qui placerait Kinshasa au centre de la production piscicole en Afrique centrale, tandis qu'Emmanuel partage cette vision, envisageant l'industrialisation de la pisciculture comme une étape essentielle pour assurer l'autonomie alimentaire de la ville.
Un Message d'Encouragement pour Kinshasa et la Diaspora
Dieu-Merci et Emmanuel souhaitent encourager les jeunes de Kinshasa et la diaspora congolaise à s'intéresser à la pisciculture. « Patience, détermination et travail », conseille Dieu-Merci, tandis qu'Emmanuel incite les intéressés à « passer à l'action sans douter et respecter les normes. » Ils estiment que la pisciculture est un secteur encore sous-exploité, offrant des perspectives de développement significatives pour Kinshasa et ses habitants.
Ces témoignages nous montrent que, malgré les défis, la pisciculture urbaine à Kinshasa représente un moteur de développement et de résilience. Si cette interview vous a inspiré, que vous viviez à Kinshasa ou ailleurs, partagez vos questions et idées pour soutenir ces entrepreneurs dévoués et contribuer, vous aussi, à l'avenir agricole de Kinshasa.
En conclusion
La pisciculture à Kinshasa émerge comme une solution locale aux défis alimentaires et économiques. Assy Olom Dieu-Merci et Emmanuel Dioko, deux pisciculteurs innovants, développent des modèles répondant à la demande de poissons frais tout en réduisant la dépendance aux importations. Malgré les obstacles liés au financement, à l'accès à l'eau et aux résistances communautaires, ils persévèrent pour offrir des produits de qualité.
Leur activité bénéficie également à la communauté : elle réduit les risques sanitaires liés aux poissons importés et transmet des compétences à travers la formation. Les défis majeurs comprennent les coûts élevés de l'alimentation des poissons et le contrôle de la qualité de l'eau, mais des pratiques écologiques et des ambitions industrielles nourrissent leur vision d’avenir.
Les immenses potentialités halieutiques de la RDC
La République Démocratique du Congo regorge de ressources halieutiques inexplorées, notamment ses vastes réseaux hydrographiques (rivières, fleuves, lacs) et ses conditions climatiques favorables. Cependant, ces atouts restent sous-développés en raison du manque d'infrastructures, de la pêche non responsable et de l'absence d'un cadre institutionnel solide pour soutenir le secteur.
Des initiatives comme celles de Kinshasa démontrent que le potentiel piscicole de la RDC peut être un levier puissant pour assurer la sécurité alimentaire et réduire les importations coûteuses. En associant des pratiques durables et des investissements ciblés, il est possible de transformer les ressources halieutiques de la RDC en un moteur de croissance économique et sociale.