L’occident à tout prix : Le rêve le plus en vogue des Kinois!
Tous les jours la communauté internationale ne cesse de déplorer la traversée à l’aide d’embarcations de fortune de plusieurs milliers de jeunes africains sur la méditerranée, dans des conditions déplorables et au péril de leurs vies. Le but est de parvenir aux portes de l’Europe, l’El Dorado pour plusieurs. Cependant, les jeunes kinois se nourrissent de mêmes rêves tout en usant des moyens différents.
Le vendredi 24 novembre 2023, il est 13h15 dans la commune de Lemba, nous avons rencontré un jeune étudiant à la faculté de Polytechnique de l’Université de Kinshasa, que nous appelons par le pseudonyme de Ronsard.
Ronsard est natif de la Province du Kasaï Central, l’une de 26 provinces de la République Démocratique du Congo. Il vit à Kinshasa depuis il y a de cela cinq (5) ans pour les études. Il nous explique comment non seulement sa promotion a perdu plusieurs cerveaux au profit de l’Europe et l’Amérique du Nord, mais surtout le reste de sa promotion ne jure que par réussir à la Loterie de la Greencard (carte de résident délivré par le gouvernement américain).
« Nous avons perdu quelques-uns de nos camarades de promotion depuis la préparatoire. Ils sont partis réaliser leurs rêves de grandeur en Europe pour les uns, en Amérique pour les autres. Je me souviens encore de ce jour où on était dans la Salle d’examen, l’une de nos camarades avait abandonné sa copie sans la moindre explication. Elle se mit à compter quelques billets de banque qu’elle avait dans sa trousse. Quelques semaines après, nous apprîmes qu’elle s’est envolée pour le Canada. Nous connaissons déjà ce mode opératoire. Si l’un de nous sèche ses cours sans motif valable ou s’il se montre abyssalement négligent (refus de présenter les travaux pratiques, abandon de la copie d’examen, etc.), nous n’avons qu’une seule explication à cela. Il est sur le point de quitter le pays pour l’Europe ou l’Amérique du Nord. »
Explique Ronsard sous un air fourbu.
Le phénomène « BWAKA NZOTO » ou « l’Europe à tout prix » est né vers les années 90. Il excite les jeunes à l’idée d’immigrer en Europe ou en Amérique du Nord. Son vent a connu un apaisement il y a de cela quelques années, mais est rené de ses cendres pour souffler plus fort qu’avant. Depuis plus d’une décennie, le rêve le plus en vogue de millions des jeunes kinois est de partir en Europe ou en Amérique du Nord, leur nouvel El Dorado. La quasi-majorité des jeunes Kinois ne veulent plus rester au pays.
Quelle est la vraie raison pour laquelle cette décision lourde de conséquences est prise sans beaucoup réfléchir ?
Chadrack, résident à la Commune de Masina, l’une des plus reculées de la Ville tente de nous livrer son avis :
« Il n’y a pas d’emploi dans ce pays. Même ceux qui travaillent sont sous-payés. Je préfère faire une besogne honteuse pour un salaire de 700 $ le mois en France, aux USA ou au Canada, plutôt que la faire ici pour un salaire misérable de 50£ le mois. »
La conjoncture économique de la République Démocratique du Congo est tendue. C’est vrai. Les pouvoirs publics ne parviennent plus à résorber le taux de chômage, ils ne peuvent que constater les dégâts dans le quotidien des jeunes. Le chômage est donc l’une des raisons de cette émigration.
Cependant, certaines personnes ayant un emploi stable au pays se nourrissent toujours de cet imaginatif de quitter le pays en quête d’une vie meilleure en Europe ou en Amérique du Nord. Complexe, avarice, manque d’information, le mobile reste voilé. Le vrai problème selon nous réside dans l’information. Le pays va mal certes, mais la bonne information va permettre à chacun de faire le bon choix afin d’en assumer les conséquences le jour où ça tournera au vinaigre.
Voici trois informations essentielles qu’il convient de retenir avant de vouloir s'en aller pour de bon en Europe ou en Amérique, notamment :
1. Les apparences sont trompeuses
Les téléphones intelligents dotés de fonctionnalités impressionnantes, les réseaux sociaux, l’intelligence artificielle font toujours briller même le fer (métal simple) ; en le faisant passer pour l’or (métal précieux).
Dans tous les pays du monde, il existe des banlieues réservées aux pauvres, Queens (aux USA) en l’occurrence, où l’abus de drogue, le vol à main armée, les coupures intempestives d’énergies, les conditions de vie précaires font partie du quotidien.
Un immigré africain ne va pas directement à Manhattan, quartier le plus luxueux de New York ou au 16e arrondissement de Paris. Pourtant, il est possible pour un homme d’affaires africain (ALIKO DANGO, C. ELUMELU) qui a fait fortune en Afrique de débarquer directement dans ce luxe. Pendant que, généralement, les immigrés africains y font plusieurs décennies sans y accéder. Les gratte-ciels luxueux floqués de fresques et valant des centaines de millions de dollars américains sont construits pour les riches et ceux qui ont la possibilité de dépenser sans compter. Ils ne sont pas faits pour les pauvres.
2. La comparaison n’est pas raison
Il y a un décalage énorme dans les salaires entre l’Afrique, l’Europe et l’Amérique du Nord. Simultanément, il y a un calcul simple que nous n’osons faire. Il y a également un écart entre le prix du loyer, les obligations fiscales, les cotisations sociales, les factures d’eau, d’électricité et de téléphone et de transport.
L’intérêt de cette comparaison est l’illustration ci-dessous :
- Une personne qui touche un salaire mensuel de 700 $ en Europe ou en Amérique ne saura nouer les deux bouts, tandis qu’en Afrique, non seulement elle va nouer les deux bouts, mais en optant pour un train de vie modeste, elle peut entreprendre.
3. L’Afrique, terre d’avenir
Les Indo-Pakistanais sont prêts à monter même dans les cargos pour venir au Congo. Tous les jours, ils viennent nombreux pour faire fortune et retourner construire chez eux. Pourquoi, ils viennent réussir chez nous et non pas nous-mêmes ? L’exil et l’immigration ne règlent pas le problème de la pauvreté en Afrique en général, et en République Démocratique du Congo en particulier. Bien au contraire, la fuite des cerveaux et de la main-d’oeuvre déplorée pendant la traite des esclaves refait surface sous une autre forme.
Selon la réglementation européenne et américaine actuelle, il est difficile qu’un entrepreneur africain y fasse fortune. En revanche, un Congolais peut bien s’enrichir en investissant au Congo, pourvu qu’il soit informé et se fasse accompagner par les partenaires d’affaires sérieux.
Pour terminer, l’Europe et l’Amérique du Nord ne sont pas les terres d’origine des Africains. Ceux-ci y sont partis pour des raisons précises que l’histoire nous a suffisamment relatées. L’Europe et l’Amérique resteront toujours chez autrui. Les afrodescendants vivant aux Antilles, en Europe et en Amérique du Nord sont aujourd’hui victimes de toutes sortes de traitements ségrégationnistes. Le test ADN effectué par les stars afro-américaines en vue de déterminer leurs pays d’origine et y investir en est l’archétype.
Faire autant d’années en Europe ou en Amérique du Nord et y investir ne changeront jamais son statut d’étranger (même si l’on acquiert la nationalité de ce pays), car il arrivera un jour où on nous rappellera de rentrer chez nous. Les Européens sont venus en Afrique pour la colonisation, quelques siècles plus tard, nous leur avions demandé de plier bagage. Si ce rappel ne nous est pas fait aujourd’hui ou demain, il sera fait à nos descendants.
Pourquoi ne pas rester et faire fortune chez nous ? Pourquoi aller retravailler pour la grandeur de l’Europe et de l’Amérique du Nord ? À nous de choisir.