Haïti : Le prix de l’indépendance

 

Dans le présent article, nous explorerons la fascinante histoire d'Haïti, la perle des Antilles, une île de la Caraïbe imprégnée de la richesse de son passé. Haïti se distingue non seulement par sa beauté naturelle et sa végétation luxuriante, mais aussi par le courage et la détermination de son peuple, qui a triomphé de l'esclavage à travers de nombreuses révoltes et qui se bat toujours pour sa souveraineté.

Mais tout d’abord, d’où viennent les Haïtiens ?

Dans le contexte fascinant des origines haïtiennes, une exploration approfondie à travers des études génétiques, le patrimoine culturel et linguistique révèle une connexion profonde avec l'Afrique de l'Ouest. La mosaïque ethnique des Haïtiens trouve ses racines dans les peuples Fon, Akan, Igbo, Kon, et Mandingue.

Les "Fons", émanant de la frontière entre le Togo et le Bénin, ont laissé un héritage culturel riche, donnant naissance au Royaume du Dahomey. La musique envoûtante, les contes transmis de génération en génération, les proverbes évocateurs et la danse rythmée sont autant d'éléments qui définissent leur identité culturelle. Leur spiritualité trouve son ancrage dans le vaudou, une religion fondée et centrée sur cette pratique. Les femmes, incarnées par les Amazones, jouent un rôle essentiel dans l'organisation du royaume, témoignant de la force et de la résilience de la communauté.

Les Akan, originaires du désert du Sahara et des zones sahéliennes d'Afrique, ont migré vers les zones forestières, apportant avec eux une culture reconnue pour ses talents artistiques variés, du textile (le Kant) à la poterie, en passant par la musique et l'orfèvrerie.

L'origine Kongo des Haïtiens remonte à la population de langues Bantu, amorçant leur migration du Nigeria et du Cameroun pour peupler la région de l'Afrique centrale autour du bassin du Congo. Le royaume Kongo, établi au 14e siècle, s'étendait du Nord de l'Angola à la République démocratique du Congo. La culture Kongo, imprégnée d'une créativité artistique remarquable, se manifeste dans la réalisation de structures en bois, la poterie et le textile. Leur pratique religieuse, basée sur le culte des ancêtres, s'exprime à travers des musiques envoûtantes et des danses entraînantes, fusionnant habilement des coutumes religieuses chrétiennes et traditionnelles.

Dirigeons notre attention vers les Igbo, remontant au 9e siècle après Jésus-Christ, ayant migré vers le sud-est du Nigeria actuel. S'installant dans des zones boisées, ils ont développé l'agriculture, le commerce et la religion. Au 19e siècle, les Igbo ont été impliqués dans la traite transatlantique des esclaves, tant en tant que captifs que commerçants, marquant leur culture par des traditions artistiques dynamiques, incluant des sculptures en bois complexe et des masques évocateurs.

Les Mandingues, peuples d'Afrique de l'Ouest, représentent aujourd'hui le Sénégal, le Mali et la Guinée-Bissau. Leur culture distinctive se révèle à travers des traditions artistiques, de la musique à la danse, ainsi que des arts visuels. Les instruments traditionnels, comme le balafon, accompagnent leur musique, tandis que la danse mandingue, caractérisée par des costumes et masques élaborés, raconte des histoires empreintes de folklore et d'histoire mandingue.

Cette immersion documentaire offre un éclairage fascinant sur les fondements culturels qui ont sculpté l'identité diversifiée des Haïtiens, révélant ainsi la richesse de leurs racines africaines.

Des Africains capturés par les Espagnols.

Au tournant du 15e siècle, les Européens entamèrent leurs premiers échanges avec l'Afrique, amorçant une série d'événements majeurs qui façonneraient l'histoire des Amériques. Le 6 décembre 1492, le navire de Christophe Colomb fit naufrage près d'un récif, révélant une île tropicale d'une beauté à couper le souffle et d'une végétation luxuriante, une terre qui se révélerait être une immense réserve d'or.

Les autochtones, les Taïnos et les Arawaks, baptisèrent cette île du nom d'Ayiti, signifiant la terre des hautes montagnes. Les Taïnos y avaient élu domicile depuis près d'un siècle. Cependant, pour les Espagnols, cette terre paradisiaque devint Hispaniola, littéralement "petite Espagne". Malheureusement, la rencontre entre les Espagnols et la population locale déboucha sur l'esclavage et des conditions d'une brutalité inimaginable, entraînant la disparition d'une partie des Amérindiens, décimés par la violence et les maladies.

En 1518, une charte fut rédigée, autorisant l'achat de 4000 esclaves des îles du Cap-Vert pour les transporter vers Hispaniola, Porto-Rico, Sao Tomé et Cuba. Cet acte marqua l'avènement du système Assiento, un contrat de monopole espagnol accordé aux marchands étrangers, officialisant le commerce des esclaves africains destinés aux colonies espagnoles des Amériques. Ce système garantissait un approvisionnement constant en main-d'œuvre pendant huit ans, consacrant ainsi la traite transatlantique des esclaves.

Les esclaves, acheminés depuis l'Espagne par le navire Jument de Cordoba, furent destinés à Hispaniola, où en 1502, Nicolas de Ovando devint gouverneur et exploita les richesses de l'île au profit de la couronne espagnole. En 1521, face à l'oppression des colons espagnols, les Taïnos et les Africains se soulevèrent, formant des communautés indépendantes appelées les cimarrons ou calanques. Ces révoltés développèrent une culture propre, fusionnant des éléments africains, taïnos et européens, et organisèrent des raids pour libérer les esclaves africains et dérober les ressources des colons, entraînant le départ de nombreux Espagnols de l'île.

Cependant, les Taïnos, incapables de répondre aux besoins de main-d'œuvre des esclavagistes, furent progressivement remplacés par des Africains aux aptitudes physiques jugées plus adaptées. Par la suite, des pirates français s'établirent à Haïti, entraînant la cession d'un tiers de l'île aux Français. Dès lors, elle prit le nom de Saint-Domingue. Avec l'or haïtien presque épuisé, les esclaves africains furent contraints à la culture du sucre et du café, marquant un tournant significatif dans l'histoire tumultueuse de cette terre caribéenne.

Une première abolition de l’esclavage

En l'an 1794, la France prend une décision historique en abolissant l'institution de l'esclavage. Toutefois, au cœur de cette avancée émancipatrice, les békés, ou esclavagistes de Martinique, ressentent le besoin impérieux du rétablissement de cette pratique afin de perpétuer leur quête incessante d'enrichissement.

Sous l'influence marquante de Joséphine de Beauharnais, épouse de Napoléon et elle-même Béké de Martinique, l'Empereur décide de revenir sur cette abolition et de réinstaurer l'esclavage. Ce retournement de politique crée une tension entre les aspirations égalitaires de l'époque et les intérêts particuliers de ceux qui cherchent à maintenir un système économique basé sur la main-d'œuvre servile.

L’esclavage rétabli

En conséquence, l'institution de l'esclavage fut rétablie dans l'ensemble des colonies françaises. Cependant, les Haïtiens, conscients des tourments qu'ils allaient inévitablement endurer à nouveau – la séparation des familles, la douleur, les sévices – refusèrent catégoriquement ce retour en arrière. Après huit années de liberté, le concept de revenir à ces cruautés était tout simplement inacceptable.

Ce refus a été l'élément déclencheur d'un conflit dirigé par Toussaint Louverture pour faire face aux troupes de Napoléon. Le 18 novembre 1803, Rochambeau fut dépêché en renfort en Haïti, où il se retrouva en confrontation avec les troupes de Dessalines. Cet épisode marque un tournant significatif dans l'histoire tumultueuse de Haïti, où des forces opposées se sont affrontées dans un combat déterminant pour la préservation de la liberté et de la dignité humaine.

En route vers l’indépendance

En 1803, un impressionnant contingent de 70 000 soldats français se confronte à une force haïtienne de 20 000 hommes et femmes, ces dernières n'ayant jamais été préalablement formées au combat. Sur les rangs français, 55 000 soldats ne reviendront pas, et ceux qui subsistent sont en piteux état.

Malgré la modicité des ressources dont disposait le peuple haïtien, son effectif limité, et le fait que l'armée de Napoléon était alors considérée comme la plus puissante au monde, les Haïtiens remportent la guerre. Cette victoire, survenue le 18 novembre 1803, conduit à la libération d'Haïti le 1er janvier 1804.

Ce triomphe historique du peuple haïtien marque le point de départ de nombreuses émancipations ultérieures. Pourtant, cette bataille significative a été délibérément omise des manuels scolaires, documentaires et autres, en raison de l'humiliation qu'elle infligea à Napoléon et à la France. À l'époque, rappelons-le, l'armée napoléonienne était considérée comme invincible, n'ayant subi aucune défaite antérieure.

La défaite infligée à Napoléon a entraîné des répercussions financières considérables. Ayant investi massivement dans la guerre contre Haïti, Napoléon se trouve contraint de vendre la Nouvelle-Orléans aux États-Unis pour recouvrer des fonds et rétablir une sécurité financière. La guerre s'est prolongée au-delà des prévisions, nécessitant un financement plus important que prévu.

En 1804, Jean-Jacques Dessalines, le nouveau leader de la révolution, proclame enfin l'indépendance de Saint-Domingue, rétablissant également le nom choisi par les autochtones, devenant ainsi l'empereur d'Haïti. Dessalines crée un nouveau drapeau haïtien, symbolisé par la suppression de la partie blanche, marquant ainsi la séparation définitive d'Haïti de la France.

À la suite de cette indépendance, la France, amère de sa défaite, refuse toute aide à Haïti, plongeant l'île dans une situation économique difficile. Dessalines, animé par le désir de vengeance envers les colons, ordonne le massacre de milliers de Français et restreint sévèrement les droits de ceux qui sont épargnés. Ce régime suscite le rejet du monde occidental, qui refuse de reconnaître Haïti comme un État indépendant, entraînant un boycott économique dévastateur.

L'interdiction faite aux Blancs de posséder des propriétés et d'investir sur l'île précipite Haïti dans la faillite. La décision de Dessalines d'obliger les Haïtiens à retourner aux plantations pour un travail forcé provoque la désapprobation de la population, qui se sent trahie par sa propre révolution.

Au lendemain de l'assassinat de Dessalines par ses propres généraux, un régime instable s'instaure en Haïti, divisant le pays pendant plus de 15 ans. Puis, en 1820, Jean-Pierre Boyer, après le départ des Français, parvient à unifier le pays et à établir la République d’Haïti. Malgré la reprise lente de la production de sucre et de café, Haïti se trouve confronté à un défi crucial pour son indépendance : la reconnaissance officielle par une grande puissance mondiale.

Les Britanniques, par crainte de conflits avec la France, et les Américains, préoccupés par une éventuelle révolte de leurs esclaves, refusent de reconnaître Haïti comme état indépendant. Reste la France, encore amère de sa défaite deux décennies plus tôt. Boyer se voit contraint de négocier la reconnaissance formelle de la souveraineté d'Haïti par la France.

En échange de cette reconnaissance, la France exige des paiements de réparation, demandant 150 000 000 de francs, soit l'équivalent des revenus annuels de l'État haïtien pour environ 10 ans. Sous la menace d'une flotte française, Boyer est contraint d'accepter ces conditions. Haïti devient enfin un État indépendant, mais à quel coût ?

Au fil des décennies, Haïti s'endette auprès des banques françaises à des taux parfois exorbitants, atteignant 25%. Face à une dette insoutenable, l'État français crée en 1881 la Banque Nationale d’Haïti pour contrôler les finances du pays. Le gouvernement haïtien se retrouve ainsi incapable de dépenser ou de disposer de son argent sans verser une commission à la banque française, plongeant Haïti dans le désespoir. C'est à ce moment que les États-Unis entrent en scène. Préoccupés par les puissances étrangères contrôlant un pays caribéen relevant de leur sphère d'influence, les États-Unis rachètent la dette d'Haïti à la France. La National City Bank prend alors le contrôle de la banque Nationale haïtienne, instaurant un nouveau prêt aux conditions draconienne et plongeant Haïti dans une période sombre.

Le pays, instable, voit défiler sept présidents en cinq ans, nombreux étant assassinés ou forcés à la démission. En décembre 1914, un avion américain débarque sur les côtes d'Haïti pour piller les réserves d'or de la banque Nationale haïtienne, envoyant les richesses directement à New York dans le coffre de la National City Bank. L'année suivante, les États-Unis justifient une invasion militaire d'Haïti, occupant le pays de 1915 à 1934. L'instauration de la loi martiale, la mise en place d'un gouvernement pro-américain et le contrôle des taxes plongent à nouveau les Haïtiens dans la pauvreté.
En 1957, l'arrivée de François Duvalier surnommé« Papa Doc », tente de stabiliser la situation par des mesures radicales, telles que la suppression des partis rivaux et la fermeture des médias critiques. A sa mort en 1971 son fils Jean-Claude Duvalier dit « Baby Doc » prendra le pouvoir à l’âge de 19 ans jusqu’en 1986.

Après le départ forcé de « Baby Doc », plusieurs hommes et une femme occuperont soit provisoirement, soit par intérim ou parfois accomplissant la totalité de leur mandat, la fonction de chef d’état à savoir (pour en citer que ceux qui nous ont marqué) :

  • Henri Namphy du 1986 à 1988, surnommé « Ti-blan »

  • Leslie Manigat de février à juin 1988

  • Ertha Pascal-Trouillot de 1990 à 1991 (avocate 1ère femme chef d’état jusqu’à ce jour)

  • Jean-Bertrand Aristide de 1991 à 1996 et de 2001 à 2004

  • René Préval de 1996 à 2001 et de 2006 à 2011

  • Michel Martelly de 2011 à 2016, surnommé « Sweet Micky » musicien compositeur

  • Jovenel Moïse de 2017 à 2021 assassiné le 7 juillet 2021

Les présidents successifs, de François Duvalier à Jovenel Moïse, marquent une période tumultueuse. Les coups d'État, les interventions étrangères et l'instabilité politique persistent jusqu'à nos jours, exacerbant la pauvreté et l'insécurité.

Malgré ces défis, la population haïtienne demeure résiliente, portant le poids de son histoire avec courage.

L'article conclut en soulignant l'importance de vérifier attentivement les informations sur la situation actuelle, compte tenu de la complexité des enjeux politiques et sociaux en Haïti.

Pourquoi Haïti a autant de mal à devenir un état indépendant et souverain et qui se cache derrière cette affliction ?

 
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