Quelles sont les solutions durables pour réduire la Vie Chère en Martinique ?
Le Contexte de la Vie chère en Martinique
Actuellement, un mouvement social contre la vie chère prend de l'ampleur en Martinique au travers d’actions de protestation, de contestations, et des manifestations dans les rues et des évènements d’ordre médiatique (débats, réunions entre les différents acteurs, etc.).
La Martinique, département et région d'outre-mer français, fait face depuis plusieurs décennies à une problématique majeure : la vie chère. Les produits de consommation courante, notamment ceux importés de France métropolitaine, coûtent souvent bien plus cher que dans l’Hexagone.
Plusieurs facteurs expliquent cette situation : les frais de transport sur de longues distances, l’application de l'octroi de mer (OMR), une taxe spécifique aux territoires ultra-marins, ainsi que des marges commerciales élevées appliquées par les distributeurs locaux. À cela s’ajoute un élément moins connu du grand public : la marge arrière, une commission cachée qui renforce la pression des prix.
Des chiffres plus ou moins significatifs, mais qui méritent que l'on creuse un peu plus.
Le but de cet article n’est pas de refaire les calculs pour montrer encore une fois que la vie est chère en Martinique. Sur l’île, comme dans tous les territoires d’outre-mer, la vie y est plus chère qu'en France. Cette année, la tendance indique une dégradation : une évolution des prix de +3,5% par an comparativement à l’Hexagone où les prix ont globalement baissé sur un an, soit -0,7% (INSEE, avril 2024). Ces chiffres montrent un écart significatif entre le territoire ultra-marin et le territoire d’approvisionnement principal et ce sont ces chiffres qui sont montrés du doigt et mis en évidence par la majorité de la population.
Pour situer précisément le début des hostilités, le Rassemblement pour la Protection des Peuples et des Ressources afro-Caribéens (RPPRAC) a mis en garde les différentes autorités dès le 1er juillet 2024 par l'annonce de manifestation d'envergure prévue pour la rentrée de septembre 2024. À cette même période, l’INSEE publiait les chiffres suivants très peu communiqués sur les médias, parce que moins significatifs, moins choquants…
Durant les douze mois précédents le mois de juin, les prix ont augmenté de 3,2% en Martinique contre 2,2% en France (INSEE, juin 2024). Néanmoins cela ne remet pas en question la notion de cherté de la vie aux Antilles.
LA VIE CHÈRE : Un sujet redondant depuis des années et en particulier depuis une décennie, pourtant au sortir de la grève de février 2009, n’y a-t-il pas eu des solutions ou des pistes d’évolution ?
Tout d'abord, passons en revue les acteurs. Un schéma caricatural systématique est réalisé :
Des opprimés (le peuple),
Les accusés (les acteurs économiques),
L’État et les organismes publics et privés faisant office d' équipe arbitrale,
Et enfin l'avocat, le défenseur du peuple, souvent représenté par un syndicat, une association, etc.
Ce schéma est systématiquement le même dans tous les conflits sociaux au monde et est le même aux Antilles à savoir :
D’un côté, les victimes : des Martiniquais pauvres ou de la classe moyenne, souffrant de la réalité des prix et donc du pouvoir d’achat qui baisse.
D’un autre côté, des acteurs économiques à qui l’on colle la responsabilité de la cherté de la vie à cause de leur présence sur des marchés qui constituent la principale offre de produit de consommation : La Grande Distribution.
Puis les institutions étatiques représentées par l’État avec le Préfet, la collectivité territoriale de Martinique (La CTM) qui est un organe exécutif qui a pour mission le développement du territoire au niveau économique, social, culturel, tout en respectant l’autonomie et les autorités communales. On y ajoute des organismes tels que l’observatoire des prix dépendant de la Chambre de Commerce et de l’Industrie de la Martinique (CCIM) et l’Institut National de la Statistique et des Études économiques (INSEE).
Et enfin, le RPPRAC qui mène le combat pour défendre le peuple
La vie chère est une réalité qui n’est point contestée. L’ensemble des acteurs “s’accordent” sur les points qui concernent la formation des prix et le décalage comparé à la France. Les prix sont globalement supérieurs de 40% par rapport à la France. Cependant le problème est présent, mais il n'y a pas effusion de solutions.
En somme, la situation est globalement comparable pour tous les territoires français éloignés des zones d’approvisionnement. Étrangement, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et la Réunion sont autant de territoires français avec de nombreuses différences et pourtant tous concernés par les mêmes les acteurs et les mêmes dispositifs logistiques, commerciaux rétro commissionnaire et le raccourci est ainsi facile quand il s’agit de trouver un responsable.
Le Slogan « Matinik sé ta Nou » est encore bien présent dans les mémoires et il semblerait que cette île appartienne à d’autres ! Beaucoup de revendications sont ainsi portées et soutenues par de nombreux groupes sociaux ou associations depuis de nombreuses années.
Rétrospective…
Une situation identique à celle de 2009. En février 2009, la vie chère avait été la locomotive de mouvements sociaux qui avait bloqué l’économie pendant un peu plus d’un mois. Suite à cet évènement social de taille, un dispositif avait été mise en place par les différents acteurs notamment avec le bouclier qualité prix (BQP), une liste de 153 produits dont le prix maximum n’excède pas 348 euros et cela malgré les inflations des dernières années.
Par ailleurs, les effets de la grève de 2009 avaient tout de même eu comme effet de réveiller la résilience, les capacités de ce peuple à développer des alternatives, ce qui est important de noter. La solidarité, l’entraide qui font partie de la culture martiniquaise avait pris le dessus sur les clivages communautaires, sur la stratification sociale de la société martiniquaise.
Les coups de main, les habitudes de consommations locales, le développement de projet à circuit court, les projets associatifs et culturels autour des pratiques culinaires traditionnelles, tout autant d’habitude qui permettait aux Martiniquais de se retrouver face à leur vraie identité.
Il y a une décennie, le consommé local, la fierté de redécouvrir le jardin Kreyol avait émergé dans les campagnes, dans les pavillons, dans les écoles, dans les espaces communaux. Face au modèle libéral, que proposent la grande distribution et toutes les entreprises du commerce classique, que propose-t-on ? Des combats des luttes de protestation infinie ralentissant des économies déjà fragilisées ?
La Martinique et d'ailleurs la Guadeloupe, mais aussi tout territoire ultra-marin sont autant de territoires exposés aux vents impétueux de l'économie mondiale dans laquelle les lois du marché sont les mêmes.
Identifier la problématique de vie chère est important. Cependant, contribuer à faire émerger des projets locaux pour les locaux, des actions concrètes c'est peut-être travailler à des alternatives qui demain deviendraient des normes.
La grande distribution dans son rôle de distributeur, d'acheteur, de logisticien, et de commissionnaire doit effectivement tenter de trouver des solutions à performer en tenant compte des paramètres d'un marché étroit. Sans quoi elle se retrouverait “sanctionnée” par une demande en baisse de prix.
Alors dans ce cas, quelles sont les solutions pour sortir de la crise de la vie chère Martinique ?
Le positionnement géographique de la Martinique ne changera pas c’est un fait. Donc même dans les 10 prochaines années, les mêmes problèmes reviendront si des pansements sont mis et que des solutions durables ne sont pas proposées.
En effet la chaîne de valeur sera la même quelque soit le pays producteur ou quelques soient les distributeurs à savoir :
Producteur (France) :
Coût de production (embouteillage, traitement, packaging, etc.).
Frais d’exploitation de l’usine, taxes en métropole.
Transport maritime (France → Martinique)
Fret maritime, assurance, manutention portuaire.
Frais d’acheminement sur une longue distance (7 000 km environ).
Grossiste (Martinique) :
Achat en gros, stockage et distribution locale.
Frais d’exploitation de l’entrepôt.
Marge Arrière (Grossiste ↔ détaillant) : taux variable selon les fournisseurs.
Détaillant (Supermarché en Martinique) :
Frais de fonctionnement du magasin (salaires, location, électricité).
Marges bénéficiaires pour les distributeurs locaux.
Taxes (TVA + Octroi de Mer) :
L’octroi de mer (OM) et l’octroi de mer régional (OMR) sont des taxes spécifiques appliquées aux produits importés.
TVA (8,5 % en Martinique) qui s’applique sur le prix global après ajout de l'OMR.
Des solutions à court terme
Sur le plan économique, les outils existent : les aides, les subventions, les accompagnements des entrepreneurs (en particulier des jeunes), les infrastructures administratives, le cadre légal, bref l’environnement est extrêmement favorable. Elles sont utilisées par les mêmes acteurs économiques, mais pas assez démocratisés. La Martinique en tant que territoire ultra-marin français donc européen est dans un écosystème économique favorable surtout au regard des dispositions prises au niveau européen.
Sur le plan politique, au-delà des solutions de baisse de taxe et octroi de mer, ou baisse de marge des acteurs économiques, les collectivités doivent mettre tous leurs efforts dans l’accompagnement des entreprises à la production locale afin de tendre vers une autonomie alimentaire. Une fixation est faite sur l’alimentaire, mais la vie chère ne se retrouve pas que dans les caddies de courses.
Quelles sont les solutions à long terme pour une vie en Martinique avec plus de pouvoir d’achat ?
Quand on parle de vie chère, il faut parler également de pouvoir d’achat. Les baisses des prix sur l’alimentaire ne vont par régler tout. Ce qui change un territoire petit ou grand, ce sont tous les projets réunis qui font que le pays est agréable à vivre.
Les projets pour lutter contre la vie chère sont divers et variés.
L’Énergie: Quels sont les projets énergétiques pour tendre vers une autosuffisance énergétique pour une population de 350 000 habitants et ainsi réduire le coût de l’énergie.
Sur le plan géographique, la Martinique est une des portes de la France et de l’Europe avec les îles du Commonwealth, une frontière vers l’Amérique du Sud, et sur l’océan Atlantique et les pays africains. Soit autant d’opportunité de partenariat, d’accord économique avec d’innombrables territoires et acteurs internationaux. Sans oublier des organismes comme la CARICOM, dont la Martinique siège en tant qu’état membre associé qui peut proposer ses intérêts ou ses programmes et bénéficier de la libre circulation entre pays de la communauté caribéenne. Quels sont les programmes mis en place ?
En se dirigeant vers d’autres destinations ce sont de nouvelles opportunités sur le choix, le prix des matières premières et produits finis, une possibilité sur une amélioration du coût de transport, etc.
Sur le plan social, avec une population qui est vieillissante ? Quels sont les soutiens évoqués pour les plus vulnérables de cette partie de la population ? Concernant la jeunesse, un quart des jeunes Martiniquais se retrouvent en situation d’exclusion sociale. Quelle politique d’accompagnement au-delà des aides sociales et financières ? Comment rendre ces jeunes autonomes ?
Pour ce qui est de l’éducation, quelles mesures sont prises pour éduquer aux mentalités dans la production et consommer local, afin de sortir cette boulimie à l’importation.
Aussi il est possible de s’ouvrir sur des échanges avec des pays autres que la France dans les programmes d’éducation, notamment universitaire. Cela peut être des échanges et appuis techniques, universitaires, dans le cadre agronomique et agroalimentaire avec le Brésil, Cuba ou l’Afrique. Ce rapport à la connaissance, aux études, où tout est mieux en France doit évoluer.
Les programmes qui visent à soutenir les projets culturels, agricoles à savoir que les fermes agroécologiques et industrielles sont autant de combats à mener auprès des acteurs locaux. C’est d’abord par ce secteur que la lutte contre la vie chère en Martinique commence. Avoir l’autosuffisance alimentaire c’est accepter de consommer d’abord la production locale et ce qui pousse sur l’île.
Et comme dans une économie mondiale il est nécessaire de maintenir les échanges commerciaux internationaux, et pour ce faire il est important d’équiper nos jeunes aux défis des prochaines années.
D’ailleurs ces jeunes ne devront-ils pas commencer à se tourner vers d’autres partenaires de la Caraïbe ou l’Afrique ?
La Martinique est par son histoire et sa situation géographique un territoire à part en entier Doit-elle s’inscrire dans une gestion autonome du territoire pour adapter ses besoins et s’orienter vers d’autres opportunités qui le serait plus favorable ?