Identité capillaire : Le regard du cheveu crépu en Afrique. Partage d’expérience!
Je me retrouve fréquemment confrontée à cette question au Congo, une question qui ne m'a jamais été posée en Martinique. Chaque sortie de chez moi est marquée par cette interrogation des Congolaises, émerveillées devant des cheveux longs et crépus. Certaines vont jusqu'à me questionner sur mes origines métisses, associant ainsi le métissage comme la cause d’un beau cheveu. “Yaya, ce sont tes vrais cheveux ?”, telle est la question qu'on ne cesse de me poser jusqu'à ce jour.
La majorité des Congolaises optent pour de faux cheveux sous toutes leurs formes : perruques, postiches, rajouts, tissages... Rares sont celles qui arborent naturellement leurs cheveux en bonne santé. Depuis leur plus tendre enfance, elles sont conditionnées à porter de faux cheveux dès l'âge de deux ans, créant ainsi un scepticisme face aux cheveux naturels, crépus, beaux et en bonne santé.
Comme de nombreuses femmes antillaises, porter ses vrais cheveux est pour moi quelque chose de naturel et évident. Bien que certaines femmes aient opté pour le défrisage, ma génération a été épargnée par ce désastre, car cette technique, visant à dénaturer les cheveux pour les rendre lisses à l'image des cheveux caucasiens, a entraîné des conséquences graves telles que des cancers et l'alopécie.
Malgré cela, j'ai pu observer de nombreuses petites filles aux Antilles arborant fièrement leurs cheveux crépus, notamment avec l'avènement du mouvement NAPPY (Natural & Happy) des États-Unis dans les années 2000. Ce mouvement a insufflé une motivation aux femmes caribéennes pour porter fièrement leurs cheveux crépus, les entretenir et les aimer comme il se doit.
Le mépris que certaines femmes noires ressentaient envers leurs cheveux naturels trouve ses racines dans l'esclavage, où les Noirs étaient réduits à l'état d'objet, entraînant le dénigrement total de leur corps. Durant ces années d'esclavage, il était impossible pour les femmes noires de prendre soin de leurs cheveux, contribuant à une certaine rupture avec leur identité.
Revenons au mouvement NAPPY, inspiré des Black Panthers dans les années 60, qui cherchait à affirmer les origines africaines et à défendre les droits des populations noires américaines. Lancé par des femmes, ce mouvement visait à contrer la propagande déclarée que les cheveux crépus n'étaient pas professionnels, peu présumés, et inappropriés dans toutes les situations.
Personnellement inspiré par ce mouvement, même si je n'ai jamais défrisé mes cheveux, j'ai été ravi de voir tant de femmes abandonner le défrisage pour arborer fièrement leurs belles couronnes. Aujourd'hui, de nombreuses coiffeuses aux Antilles proposent des services dédiés aux cheveux crépus, comprenant soins et coiffures. De nombreuses femmes ont également créé des chaînes YouTube dédiées à la texture crépue pour éduquer les femmes noires à aimer, prendre soin et être fière de leurs cheveux. D'ailleurs, j'ai moi-même créé ma propre chaîne YouTube (L'Oasis de Tara) ainsi qu'un compte Instagram du même nom, afin d'encourager les femmes noires à abandonner le défrisage ou tout autre ornement artificiels au profit des cheveux naturels afro.
Il est désormais impossible de ne pas savoir prendre soin de ses cheveux et de ne pas être tenté de relever ce qui peut être perçu comme un défi pour certaines. Mon espoir est que les Congolaises cessent de complexer par rapport à leurs cheveux, abandonnant l'admiration et la convoitise des cheveux des autres. J'espère également qu'elles comprendront que toutes les textures sont belles, pas uniquement celles des métisses ou des blanches. Prendre soin de ses cheveux est un devoir et une preuve d'amour envers soi-même. En les soignants et en les aimants, toute beauté devient naturelle.