Immigration Africaine aux Antilles après l’abolition de l’esclavage : « Histoire et héritage »
L'histoire de la traite négrière européenne commence au XVe siècle, en Afrique. C'est à cette époque que les Européens ont véritablement commencé la déportation forcée d'Africains, une pratique qui s'est étendue sur plusieurs siècles.
Les colons, d'abord les Espagnols puis les Français, ont organisé l'importation d'Africains vers les îles des Caraïbes, où ces derniers ont été contraints de travailler dans des conditions particulièrement barbares et inhumaines. Le travail dans lequel ils étaient astreints était souvent épuisant et cruel, marqué par des traitements dégradants et des souffrances inouïes.
Cet événement tragique a eu comme conséquence l'arrivée de diverses populations africaines sur les îles des Antilles. Il est aujourd'hui ardu de déterminer précisément l'origine des Africains déportés vers les Antilles, en raison de la perte de nombreuses informations historiques. Cependant, certaines familles ont réussi à préserver la mémoire de leurs ancêtres africains, notamment en transmettant par voie orale le nom et les traditions de leurs aïeux, perpétuant ainsi leur héritage culturel africain malgré les circonstances difficiles de la traite négrière.
Racines africaines en Caraïbes : L’Héritage des Kongos »
Au lendemain de l'abolition de l'esclavage en 1848, les plantations des îles des Caraïbes se sont vidées de leurs anciens esclaves. À cette époque, des milliers d'hommes et de femmes affranchis ont quitté les rives de l'Afrique pour venir travailler en tant que travailleurs sous contrat dans les Antilles. Leurs origines précises en Afrique restent parfois difficiles à déterminer, mais certaines familles ont réussi à préserver le nom de famille de leurs ancêtres par le biais de traditions orales.
Ces nouveaux arrivants, communément appelés les « Kongos » ou « Neg Kongo », ont apporté avec eux un riche héritage culturel africain. Leur impact s'est manifesté à travers la langue, la musique, les danses, la cuisine et même la pratique du tambour, comme le Gwo Ka et « Grap a Kongo » en Guadeloupe. Les danses de combat telles que le danmyé en Martinique, le Mayolé en Guadeloupe, ou encore la Capoeira au Brésil, trouvent leurs racines en Afrique.
La langue créole, qui a évolué au contact des langues africaines, a également émergé vers le 16-17ème siècle. De nombreux mots créoles ont une étymologie africaine, témoignant de cette connexion. Par exemple, le terme "Manzel" en créole signifie la même chose que "Manzele" ou "Maman Nzele" en lingala, à savoir "demoiselle" ou encore « An key maluku » Na keyi maluku » , je vais à maluku.
Cependant, malgré ces influences culturelles, certains Antillais ne se sentent pas essentiellement africains, tandis que les Africains perçoivent parfois les Antillais comme adoptant des comportements occidentaux. Il est intéressant de noter que des similitudes et des différences existantes entre ces deux groupes, et une compréhension plus approfondie de leur histoire commune est nécessaire pour saisir la complexité de leur identité.
Les Kongos, originaires principalement du Congo, ont laissé une empreinte indélébile dans les Caraïbes. Ils étaient souvent surnommés « Kongos » en raison de leur peau foncée et étaient parfois moqués pour leur apparence physique. Ces Africains sont arrivés dans les îles françaises d'Amérique après l'abolition de l'esclavage.
Parmi les noms de famille africains qui ont été transmis de génération en génération, on retrouve les noms : Bakongo, Makessa, Mayulika, M'Bassé, Matha, Zoumba, Simba, Ouemba, M'Basse, Condy, Condé, Foutou, Maloungila, Aribo, Thésée, Batta, Dambo, N'Guela, Moanda, Mansuela, et bien d'autres qui continuent de témoigner de cette histoire.
De nos jours, en Martinique, de nombreux lieux présagent des noms qui rappellent l'Afrique, comme "Morne Kongo" au Gros-Morne, reflétant le lien persistant entre les deux régions.
Contrairement aux esclaves, les travailleurs sous contrat « les engagés » et leurs enfants ont conservé leurs prénoms d'origine, bien que ces derniers ayant été légèrement francisés. Beaucoup d'Antillo-Guyanais ne réalisent pas qu'ils portent des noms d'origine africaine, témoignant de la diversité de leurs racines.
Les Kongos ont également contribué à la langue créole, à la musique, et à d'autres aspects de la culture caribéenne. Ils ont laissé une empreinte profonde, malgré les défis et les injustices qu'ils ont dû affronter.
Après l'abolition de l'esclavage en 1848, 15 121 Africains sont arrivés en Guadeloupe et 10 521 en Martinique. La majorité d'entre eux étaient des jeunes âgés entre 15 et 24 ans, apportant avec eux leur héritage africain pour enrichir la culture des Antilles.
Flux migratoires dans les Caraïbes après la départementalisation
Raisons de l'immigration africaine aux Antilles dans les années 1950 – 1980
L'immigration « proactive » africaine aux Antilles est un phénomène relativement récent, qui apparut dans les années 1980, bien que quelques « engagés » s'étaient déjà établis auparavant. On parle de médecins africains arrivés en Guadeloupe et en Martinique entre 1960 et 1970.
Cependant, depuis cette période, de plus en plus d'Africains décident de migrer aux Antilles pour plusieurs raisons. Les Africains mariés à des femmes Antillaises en France ou en Afrique ont choisi de s'installer aux Antilles, souvent parce que la situation sociale économique et familiale est meilleur aux Antilles qu’en métropole et les Antilles restent un bon compromis culturel, climatique etc. De plus La plupart des migrants en provenance d'Afrique viennent aux Antilles dans le cadre du regroupement familial, et il s'agit généralement de femmes qui rejoignent leur mari antillais ou français mutés aux Antilles.
En ce qui concerne la communauté Africaine aux antilles, un article d’André Calmont « Les originaires d'Afrique subsaharienne aux Antilles françaises. Entre migration familiale et exode des cerveaux ? » éditions Hommes et Migrations, en 2008 [i] relève à la suite d’une étude:
« Que les personnes originaires d’Afrique représentent 24 pays du continent avec une forte concentration dans une dizaine de pays. Les Ivoiriens, les Bénino-Togolais, les Sénégalais et les Camerounais représentent les groupes les plus nombreux, totalisant plus de 150 personnes chacun. Ces cinq nationalités représentent plus de deux niveaux de la population africaine aux Antilles. Les Congolais sont également présents en nombre, bien que deux fois moins nombreux que les groupes précédents, principalement en Guadeloupe.
D'autres pays africains, tels que les Guinéens, les Congolais de la RDC, les Maliens, les Burkinabés et les Centrafricains, comptent entre 20 et 50 ressortissants. Les autres groupes africains ont une présence plus limitée, avec moins de 10 individus chacun, totalisant moins de 7 % de la population totale. »
On peut retenir que plusieurs facteurs ont contribué à l'immigration africaine aux Antilles dans les années 1950 – 1970 :
Besoin de main-d'œuvre
Comme dans d'autres régions du monde, les Antilles françaises avaient besoin de main-d'œuvre pour alimenter leur croissance économique. Les chantiers de construction, l'agriculture, l'industrie du tourisme et d'autres secteurs cherchaient des travailleurs. On notera la particularité d’une recrue de médecins (de haut niveau à la Martinique)
Relations postcoloniales
De nombreux pays africains avaient obtenu leur indépendance de la France dans les années 1960. Cette période de décolonisation a créé des liens spéciaux entre la France et ses anciennes colonies africaines, favorisant les migrations entre les deux régions.
Période de troubles en Afrique
Les années 1970 étaient une période de bouleversements politiques, économiques et sociaux en Afrique. Les conflits, les problèmes économiques et les changements politiques ont poussé de nombreux Africains à chercher de meilleures opportunités en dehors de leur continent d'origine.
Quel a été l’impact de cette immigration africaine ?
L'immigration africaine a eu un impact significatif sur les Antilles françaises. Voici quelques-unes de ses conséquences :
Diversification culturelle
L'arrivée de nouveaux immigrants africains a contribué à enrichir la diversité culturelle de la région. Les traditions, les langues, la musique et la cuisine africaines ont laissé leur marque sur la culture antillaise.
Contribution à l'économie
Les immigrants africains ont joué un rôle essentiel dans le développement économique des Antilles en travaillant dans des secteurs clés comme la construction, l'agriculture et le tourisme.
Défis et opportunités
L'immigration a également posé des défis, notamment en termes d'intégration et d'ajustement à une nouvelle société. Cependant, elle a également ouvert de nouvelles opportunités et perspectives pour les immigrants et leurs descendants.
In fine, L'immigration africaine aux Antilles dans les années 1970 a ajouté une nouvelle dimension à la diversité culturelle de la région et a contribué de manière significative à son développement économique. Cette période illustre comment les mouvements de population, en réponse à des facteurs économiques, politiques et sociaux peuvent façonner l'histoire et la culture d'une région. Elle rappelle également l'importance des liens entre les anciennes colonies et leurs anciennes puissances coloniales, qui ont continué à influencer les migrations dans le monde postcolonial.
[i] Les originaires d'Afrique subsaharienne aux Antilles françaises. Entre migration familiale et exode des cerveaux ? Article, André Calmont, Hommes et Migrations, Année 2008