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Déconstruction de l'aliénation coloniale : Construire un projet communautaire Afro-descendant

Nous vivons depuis quelques années un tournant dans l'histoire de l’Afrique. Les conflits et tensions entre les anciennes colonies et pays néocolonialistes en sont un témoignage.

Et plus récemment, les projets de retrait de troupes militaires de certains territoires, l'interdiction d'utilisation de l'espace aérien pour certaines compagnies aériennes, le rejet de mécanismes ou des entités économiques et la création de nouvelles entités, fruit de la prise en main des gouvernements africains pour le peuple Africain sont tout autant de preuves factuelles d’un mouvement historique du peuple noir.

Mais quelles directions prendre quel positionnement adopté dans un contexte mondial en perpétuel mouvement ?

1.    Les multiples enjeux des territoires, des pays de l'Afrique et les difficultés rencontrées par la Diaspora et les Afro-descendants dans le monde.

1.1.  Des enjeux, des défis dans un continent qui a son rôle à jouer sur la scène internationale.

Si nous procédons à l’exposition des faits à plusieurs niveaux, nous pouvons les décliner sur les plans suivants :

Économique

La Pauvreté généralisée des pays africains a fait l’objet de marketing géopolitique d’organisations internationales pendant des décennies. Il y a quelques années, seule la pauvreté représentait ces derniers. Aujourd'hui les pays africains souffrent du cliché "Afrique continent pauvre".

Dans ces pays, les entreprises dignement structurées perdent en compétitivité à cause du manque d'infrastructures et l'ignorance des structures d'appui.

Exemple : beaucoup de porteurs de projet ne connaissent l'existence d'entités, de structure pouvant les accompagner.

Parallèlement, la présence d'ONG renvoie à la notion d'occupation du territoire par des organisations qui avec le temps se sont substituées aux entreprises privées ou publiques. Ce qui amène à une infantilisation de générations d’actifs locaux comme une sorte de cession des responsabilités civiles de la part du peuple incapable de se prendre en main.

Et puis, des entreprises informelles, des activités peu valorisantes dégradantes assimilées comme des activités économiques occupées par de potentiels entrepreneurs locaux. Ils sont couturiers de rue, cambiste, marchande, vendeur ambulant, motard, manutentionnaire indépendant, chauffeur de taxi, agriculteur, tous dans un système D, souvent dépeint d’un point de vue néocolonial, le tout dans un cahot démesuré dans lequel chacun tire le minimum des besoins quotidiens.

Dans un autre registre, l’absence de systèmes de retraites qui paralysent le renouvellement des effectifs dans les structures publiques, des occupations de poste par des actifs d'un âge avancé ce qui contribue à une faible productivité et au chômage avancé de jeunes qui auraient pu s'insérer dans les circuits professionnels en question.

Politique

Sur le plan politique, il y a beaucoup à dire, mais nous citerons quelques cas redondants sans condition géographique : des territoires ou des régions déstabilisées à cause de conflits divers ayant comme élément déclencheur les activités d'extraction de ressources naturelles par des firmes étrangères. 

Et que dire de l'absence de budget ou de l'absence des impôts, ou encore des monnaies locales en constante dévaluation pour une grande majorité de pays.

Social

Au niveau social, une idéologie répandue sur le fait que l’État est le seul créateur d'emploi (routes, transport, accès à l'eau, électricité) participe à une sclérose de l’animation de la cité. À cela s'ajoutent la faiblesse structurelle des institutions et les dysfonctionnements réguliers des écoles, des centres de formation et des universités dans certains pays.

La démographie incontrôlée en partie provoquée par la centralisation des systèmes et des structures économiques et politiques, entraine le développement d'insécurité dans les zones satellites ou périphériques, ce qui cause l'absence ou la réduction d'activité économique et sociale dans les zones moins urbanisées villes périphériques.

Et aussi, l'éducation qui n'est pas en reste avec un faible niveau de formation, en général, le nombre incontrôlable d'enfants hors du système éducatif.

Et pour clôturer sur le plan culturel, et particulièrement historique, on peut citer l’héritage colonial. Comme a dit Frantz Fanon:

"Le peuple colonisé est idéologiquement présenté comme un peuple arrêté dans son évolution, imperméable à la raison, incapable de diriger ses propres affaires, exigeant la présence permanente d'une direction." Frantz Fanon - L'An V de la révolution algérienne, 1959

Les Stigmates du pays colonisateur sont présents. Et le défi se trouve dans la capacité à proposer une alternative dans le pilotage des entités existantes avec ou sans restructuration. 

"L'histoire des peuples colonisés est transformée en agitation sans aucune signification et, de ce fait, on a bien l'impression que pour ces peuples l'humanité a commencé avec l'arrivée de ces valeureux colons." Frantz Fanon - L'An V de la révolution algérienne, 1959

La réappropriation de son histoire est sans nul doute l'acte qui fera un peuple se redécouvrir. À ce niveau, seule une élite africaine et afro a la légitimité d’impulser un renouvellement d'identité via les communautés, via des projets citoyens mais aussi des initiatives culturelles. C'est dans ce cadre créatif, innovant que les artistes sont invités s'exprimer en ouvrant la voie de l'émancipation collective.

Tous ces éléments cités plus haut sont actuellement en développement dans beaucoup de pays d'Afrique centrale ou de l'ouest. 

Cependant, il est à noter que les outils politiques vont de pair avec des outils économiques, et l'intégration des populations ne peut être faite que par l’éducation, par l'information, par la vulgarisation et cela passe par des actions, des projets, des propositions d'hommes et de femmes qui se respectent et qui s'engagent à accompagner les dirigeants dans le cadre de ce qu'ils proposent.

 En somme, les problématiques sont réelles, elles existent et elles sont directement pointées du doigt par des populations aux premières loges.

1.2.  Des anomalies contextuelles durables et redondantes envers les afro-descendants et les diasporas africaines

En dehors du continent, la diaspora garde un lien fort par ses origines, sa culture, son attachement aux valeurs, à l'histoire. D'une part, des ressortissants partis travailler pour un temps espérant un avenir meilleur au pays en attendant de voir des conditions meilleures que ce qu'ils avaient laissé autrefois. D'autre part, des hommes et des femmes fuyant une situation d'instabilité ou de misère, et qui ont trouvé un emploi, une dignité supérieure à celle qu'ils avaient quittée.

 Par ailleurs, des étudiants ou des familles partirent pour les études d'un enfant en vue d'accéder à une université de Belgique, de France, des USA ou du Canada, etc.

 Mais aussi des populations entières issues en partiellement ou totalement de peuples africains déportés aux Antilles, en Guyane, au Brésil, aux États-Unis, etc., qui aujourd'hui se cherchent, apprennent à se connaître, se construisent et recherchent leur identité…

Comme le dit un proverbe africain, "Si tu ne sais pas où tu vas, alors retourne d'où tu viens." 

Dans une époque où l'on est en quête de sens, les Afro-descendants sont témoins d'événements discriminants, comportement discriminatoire de plus en plus odieux comme un rappel de l’histoire. Le mouvement créé en 2013 "Black Lives Matter" en témoigne. Que ce soit aux États-Unis, avec le cas de multiples bavures policières, ou au Canada, où certains s'offusquent en disant : "il y a trop de noir dans le domaine hospitalier", le problème dépasse les frontières et les classes sociales. Les chiffres sont clairs, ils parlent d'eux même. 

"Près de la moitié des personnes d’ascendance africaine dans l’UE sont confrontées au racisme et à la discrimination dans leur vie quotidienne, un chiffre en augmentation depuis 2016. Le harcèlement raciste et le profilage ethnique sont également fréquents, particulièrement chez les jeunes, selon une nouvelle enquête de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA)." 

Selon un sondage en France en 2023, "91% des personnes noires ont le sentiment d'être victimes de discrimination […] la quasi-totalité des personnes noires ou métisses d’ascendance noire déclarent avoir été au moins une fois victimes de discriminations liées à leur couleur de peau". "En 2020, la mort d'un homme noir non armé après son arrestation et d'un policier agenouillé sur son cou a ravivé la question de la brutalité policière à l'encontre des minorités raciales aux États-Unis."

Selon une étude publiée en 2023 par des experts mandatés par le conseil des droits de l'homme de l'ONU, "Les Noirs ont trois fois plus de chance que les Blancs d’être tués par la police aux États-Unis".

Cela nous mène à une remise en question : Que devenons-nous faire ?

Allons-nous continuer à nous rassembler pour des marches, des manifestations, des protestations ? Contre, contre, contre… Ou commencerons-nous à nous rassembler pour une construction commune?

2.    Le questionnement qui mène à la déconstruction.

La remise en question de l'identité communautaire entraine la déconstruction et inversement. Il est important de comprendre qu'il y a une équation sur laquelle il faut se pencher.

D'un côté, chez le fils resté au village, les réalités existent, le poids de l'histoire coloniale pèse sur le quotidien des nations africaines. Le retard est identifié et les chefs d'État enclenchent des mécanismes dignes de nations responsables sortant du joug de nation néocoloniale. Néanmoins dans cette reconstruction, l'humain par-dessus tout est à construire, et cet édifice vivant ne se construit pas dans l'intervalle de temps des bâtiments. Et malheureusement, les blessures et les traumatismes collectifs demeurent.

Cette déconstruction consiste à abattre tout système de pensée, objet d’aliénation.

2.1.  Une aliénation collective, une aliénation historique

Les frontières imposées par les états occidentaux ont un impact qu’il est difficile à mesurer sur les comportements seulement il est indéniable que ces limites inconnues de l’époque antérieure ont participé à couper le lien des hommes entre eux et les liens des Hommes avec leur histoire, leurs cultures.

Coupés des leurs, arrachés à la terre de leurs ancêtres, les esclaves arrivés en territoires d’Amériques se retrouvaient soumis aux actions forcées des colons, véritables outils permettant à des maitres d’atteindre leurs objectifs : richesses, dynastie, systèmes de productions perpétuelles d’hommes et de femme privés de liberté et asservis garantissant leurs prospérités.

2.2.  Aliénation cognitive

Lors de la traite négrière, le noir a été réduit à l’état de bien meuble, telle une chose (possession du maitre colon. 

Pendant des siècles, le partage des connaissances de la part du maitre ne se faisait que par intérêt du maitre. En effet, cela permettait au propriétaire d’esclaves d’augmenter la valeur marchande de son bien meuble.

2.3.  Aliénation sociale

L’esclave cultivé était utilisé pour encadrer, diriger, gérer les plantations. Il n’était ni blanc ni colon mais esclave comme les siens donc la connaissance apportée au noir l’était dans le but d’asservir. Cependant les conséquences sociales de cette pratique constituaient une arme de destruction d’une possible communauté noire (diaspora forcée d’Afrique). La hiérarchisation des individus consistait à les mettre dans une case selon leur teinte de peau ou par leur valeur marchande.

Quant au fils parti à l'étranger de force ou de sa propre volonté, il présente des frustrations et des blessures individuelles différentes dans la forme mais qui dans le fond en sont postcoloniales, voire postesclavagistes. Plus encore, l'expérience individuelle se traduit par une expérience commune répétée dans le temps.

Des souffrances, des blessures, des douleurs qu'une communauté partage.

Les peuples africains et les Afro-descendants vivent une réalité commune malgré les différences. Les points communs devraient, dans ce cas, encourager à s'unir alors que les points divergents nous permettraient d'apprendre, de grandir. Et c'est là que devrait surgir le souhait, le désir de déconstruction de la notion de souffrance perpétuelle. Le monde existe en dehors du cadre occidental imposé par l'œil occidental sur des sujets aux origines variées. Une communauté qui a souffert collectivement de la dépossession de ce qui fait d'elle un peuple doit rechercher ce qu'elle peut apporter aux autres, car elle a su survivre à des événements destructeurs.

C'est ainsi qu’à travers cette souffrance, elle peut apporter à l'autre grâce à sa capacité à se réinventer. Les afro-descendants et la diaspora africaine n’ont-ils pas énormément à offrir à un Continent d'avenir.

"Chaque génération doit, dans une relative opacité, affronter sa mission : la remplir ou la trahir " Frantz Fanon, Les Damnés de la terre - 1969

2.4.  Quelles sont nos aspirations ?

En général, on s'identifie à ce que l'on aspire. L'identification passe un par un idéal, un rêve, le désir d’un accomplissement. Or dans le cas d'une vision entachée de pauvreté, médiocrité, insalubrité, on finit par se dissocier de la vision et changer d'objectifs. C'est pour cela qu'il est important de recadrer la vision.

Cela implique de déconstruire l'idée reçue de l'Afrique, continent de médiocrité : “Le continent de la pauvreté, le dernier en ligne, relégué sous l'Europe, un espace où la science serait absente et ainsi de suite.”

Pour déconstruire ces idées, la communauté ne devrait-elle pas commencer par se connaître et se reconnaître à travers des projets qui lui ressemblent ? Des initiatives culturelles et artistiques, des projets humanitaires et économiques, tissés autour d’une dimension écosystémique reliant leur terre d’expatriation à l’Afrique.

La déconstruction commence par celle de l’aliénation du peuple noir, et par extension, des Afro-descendants dans toute leur diversité.

3.    La vision : la construction d'un projet.

Les Afro-descendants ont l'occasion de renouer avec leur histoire, l'opportunité d'agir dans une sphère de liberté, et de créativité collective dans le but de construire "utile" dans des milieux où tout est à construire ou coconstruire. Les opportunités d’élaborer des projets et actions en collaboration ou partenariat avec les autorités et les populations dans des domaines divers et variés sont nombreuses.

L’essor économique de pays comme le Sénégal, le Bénin, la Cote d’ivoire, le Congo RD, ou encore le Cameroun sont autant de possibilités qui s’offrent aux jeunes diplômés, aux jeunes entrepreneurs et aux porteurs de projets innovants dans des écosystèmes qui seront de plus en plus favorables.

Il y a donc une Afrique forte, une Afrique unie, une Afrique authentique qui peut se développer solidement et durablement (social, économique, environnemental, culturel). Des hommes et des femmes s’installent comme pionniers dans un environnement différent en apportant des technologiques, des idées nouvelles, un regard nouveau.

Comment passer de la situation actuelle contemporaine à un idéal qui nous est cher individuellement et surtout collectivement ?

Certainement au travers d’actions concrètes et en marchant sur les traces de ceux qui y sont déjà qui travaillent dans l’ombre et développent des projets et activités qui apportent un renouveau à l’image africaine, une autre dimension de la communauté. Les pays tels que la République démocratique du Congo ont besoin de partenariat gagnant-gagnant et respectueux comme l’a mentionné le Président Felix TSHISEKEDI : 

" le plus important est de nous considérer […] comme de vrais partenaires.”

Les hommes et les femmes de la communauté afro-descendante doivent comprendre certaines situations comme une main tendue et rentrer dans un processus de partage d’expérience au service du développement de territoire de ville en développement.

Les opportunités touchent tous les secteurs :

  • L’agriculture sur toutes ses formes,

  • Les énergies renouvelables,

  • L’industrie : production de matériaux pour la construction, construction, aménagement et entretien des infrastructures, ingénieries, bâtiments et travaux publics.

  • Le secteur médical

  • Les métiers de bouche (boulangerie, pâtisserie, charcuterie, boucherie).

  • le tourisme : L’hôtellerie, la restauration

  • Le domaine des loisirs et du divertissement

  • l’éducation, la formation, les services à la personne.

  • Le digital 

  • La Fintech

  • etc.

Les opportunités pour les porteurs de projets sont immenses et nombreuses. Choisissons ce que nous voulons pour nous et nos enfants en considérant que le monde lui est en perpétuel mouvement. La marche en avant commence par la remise en question, l’auto-interrogation et la séparation avec les mauvais systèmes de pensées puis le droit à la créativité à la construction autour de ce qui fait notre identité.